samedi 16 juin 2012

Affaire du Mediator : les hommes de l’ombre. Chapitre 10 : Catherine Hill




Les spécialistes des crises dénomment cela l’effet déclencheur. Nul ne doute que si Catherine Hill, épidémiologiste que l’on dit sérieuse et réputée, avait fait valider ses recherches par d’autres experts scientifiques, l’affaire du Mediator aurait fait pschitt.

Car dans la famille conflit d’intérêts, Catherine Hill devrait être au centre de beaucoup d’interrogations qui ne sont, hélas, que rarement posées.

Il est donc tout à fait regrettable que personne ne se soit véritablement interrogé sur la question du conflit d’intérêt entre cette scientifique et son neveu, l’avocat Charles Joseph-Oudin. On voudrait encore nous faire croire en une génération spontanée qui pousse un très jeune avocat sorti de nulle part à s’auto-saisir de l’affaire du Mediator. En sachant par ailleurs que cette affaire n’a pas été révélée spontanément par les intéressés. Le docteur Marc Girard explique ainsi : «Je veux bien que les intéressés ne voient pas où est le problème, mais dans la mesure où, notoirement hélas, notre Cour de cassation entretient une immense dévotion à l’égard des études épidémiologiques réalisées (et interprétées) sous l’égide de nos autorités sanitaires, il s’avère que Tata (Madame Hill) aura été impliquée au premier chef dans les évaluations technico-scientifiques dont, au moins indirectement, dépendront les honoraires de résultat (et la notoriété inhérente) du neveu. »

Il est vrai que les conflits d’intérêts concernent toujours les autres et qu’il est impossible aux détracteurs des laboratoires Servier, atteints d’une profonde cécité, de se reprocher ces mêmes conflits d’intérêt coupablement entretenus pendant des années. Il faudrait donc demander à Catherine Hill quels ont été ses liens avec l’industrie pharmaceutique. Silence et aucune trace n’apparaît.

Catherine Hill est décidément abonnée à la génération spontanée : elle raconte dans un article du JDD comment elle eut l’idée de lancer une étude complémentaire après avoir « religieusement » écouté Irène Frachon : « J’assistais à une réunion d’un groupe de travail au cours de laquelle la pneumologue de Brest Irène Frachon présentait une dizaine de dossiers très documentés sur des patients atteints de valvulopathie et ayant pris du Mediator. Nous étions une quarantaine à écouter son exposé. Je n’ai rien dit pendant cette séance mais j’ai ensuite demandé à ce que l’on engage des investigations complémentaires. Quelque temps plus tard, le laboratoire a fourni une étude, dite « Regulate » dans laquelle il étudie deux populations de patients l’une traitée par Mediator et l’autre témoin. Elle montrait clairement que le risque de développer une valvulopathie était accru avec le Mediator. »

Dernier point sur le travail de recherche de Catherine Hill. La méthode. A l’évidence beaucoup de voix de spécialistes se sont élevées pour s’interroger sur le mode de calcul du nombre potentiel de victimes du Mediator. L’une d’elle, celle du Professeur Acar, vient de publier une nouvelle étude remettant en cause l’estimation des victimes. Tous les points soulevés par Catherine Hill sont remis en perspective et analysés précisément. A ce titre, pourquoi l’IGAS n’a-t-elle pas effectué ce même travail avant de rendre son dossier sur le Mediator ?

On voit donc que dans l’affaire Mediator, on conjugue l’approximation et le scientifique ce qui ne fait pas toujours bon ménage. Catherine Hill aurait-elle été manipulée ? Aurait-elle souffert, comme Irène Frachon, d’une procédure d’engagement ? Aurait-elle été influencée par un concurrent de Servier ? Autant de questions politikement inkorrektes mais qui demeurent sans réponse…



http://www.lejdd.fr/Societe/Sante/Actualite/Catherine-Hill-l-epidemiologiste-en-charge-d-une-etude-sur-le-Mediator-repond-au-JDD-interview-245219/

http://www.cardiologie-francophone.com/PDF/1300-deces-benfluorex.pdf

mercredi 6 juin 2012

Affaire Mediator : les hommes de l'ombre. Chapitre 9 : Irène Frachon

134000 résultats sur Google. Pas vraiment dans l’ombre Irène Frachon…  En deux ans, la petite médecin brestoise a réussi à conquérir la toile et les médias, -malgré elle, selon elle-, les plateaux de télévision et de radio, les maisons d’édition, les salles de spectacles diverses et variées. Elle a eu son heure de gloire après la parution de son livre Mediator 150 mg, combien de morts ?, d’abord censuré puis autorisé à la vente. Après avoir rencontré, par hasard (!), le député Bapt, l’avocat François Honnorat qui l’aide à écrire son livre, puis Charles Joseph-Oudin qui va défendre les victimes du Mediator.
La très protestante Irène Frachon, qui expose avec prosélytisme sa croix huguenote, devient peu à peu une « lanceur d’alerte » dans l’affaire Servier. La défense du pauvre et du malade devient sa croisade. On la surnomme Jeanne d’Arc, Mère Courage,  elle reçoit le prix de la femme la plus combative, toute empreinte de pathos, la main sur le cœur. On la compare à Erin Brockovich, partant seule avec ses petits moyens à l’assaut des laboratoires pharmaceutiques, et, en premier lieu, de Servier.  Elle multiplie les conférences pour expliquer son combat. On la dit courageuse et obstinée. Elle dénonce la faillite du système de santé, la puissance des lobbys. Tout cela, presque par hasard…
En recherchant un peu sur internet et en particulier dans les revues scientifiques, chacun pourrait s’étonner de la très grande prudence d’Irène Frachon quand au nombre de victimes « potentielles » du Mediator. Néanmoins, en trouvant des soutiens « presque » désintéressés et « presque » spontanés, en premier lieu celui du député Bapt, dont nous avions déjà dressé ici le portrait et montré les conflits d’intérêt, Irène Frachon s’est trouvée entrainée dans une spirale médiatique sans précédent. Il est vrai qu’en France, nous aimons bien les combats d’arrière garde, les résistances, les David contre Goliath, même au mépris de la logique industrielle ou scientifique. La réaction d’Irène Frachon à l’issue du renvoi du procès fin 2012, est assez significative de sa personnalité. Entre dénigrement et provocation, Irène Frachon prend (enfin) conscience que son combat n’est peut-être pas aussi simple, limpide et évident.
Irène Frachon, et tous ceux qui la soutiennent aveuglément, sont « victimes » d’une procédure d’engagement.  Ce principe largement abordé en psychologie peut se résumer simplement : à force d’entendre dire que vous êtes quelqu’un de bien, il est impossible pour vous de revenir en arrière, en dépit de toute réflexion pragmatique et rationnelle.  Il est aujourd’hui impossible pour Irène Frachon de commencer à exprimer un début de doute sur les effets du Mediator, en dépit de toutes les études scientifiques. Il est impossible aux avocats des victimes du Mediator, d’admettre que la juge Prévost-Desprez ne leur ait pas donné raison d’emblée. Les journalistes du Figaro ou de Libération qui ont suivi les pas d’Irène Frachon, ne peuvent aujourd’hui se déjuger. Les présumées victimes du Mediator commencent à douter de la justesse du combat. Tous sont coincés par leur aveuglement et le refus implicite de se déjuger. Naturellement, chacun comprend mieux à la lumière de ce phénomène, les réactions disproportionnées : remise en cause de la Justice, demande de révocation de la juge, développement de la thèse d’un complot, implication du monde politique, extension de la guerre contre Servier à tous ses autres médicaments… C‘est un déferlement de pathos et tous les stratagèmes sont bons pour essayer de sauver la face. Rien, aujourd’hui, ne préjuge de l’issue de cette affaire, mais tout ce bruit démontre une fois de plus qu’il faut réfléchir à deux fois avant de se lancer contre les moulins à vent.
Irène Frachon est donc comme Jeanne d’Arc. Finira-t-elle comme elle sur le bucher des vanités ? Ce serait politikement inkorrekt…