L’année
dernière, au mois d’avril exactement, nous publiions un portrait du lobbyiste Daniel
Vial
et son rôle dans l’affaire du Médiator. Retour un an et demi plus tard sur une
personnalité étrange et donc tous les amis sont frappés d’amnésie.
Cet article, initialement publié sur AgoraVox-le média citoyen (?), a été retiré de la publication... Nous ajoutons en fin d'article les différents commentaires qui avaient été postés par respect des internautes qui avaient pris la peine de le lire et de réagir.
Le 26 avril 2013,
le groupe Sanofi a décidé de se séparer de Daniel Vial, conseiller spécial de
Chris Viehbacher, son PDG. Derrière une déclaration très politiquement
correcte, "D'un
commun accord, la mission de conseil de monsieur Vial a été suspendue pour
qu'il puisse se consacrer
à ses affaires", précisait le groupe pharmaceutique, il
faut aussi y voir la rupture avec des manières peu recommandables du lobbyiste.
Certes, ce dernier, lors de plusieurs interviews, s’est toujours montré très
rassurant sur ses activités et qu’il jure qu’il n’a jamais rien fait contre
nature. Néanmoins, lorsque nous essayons de prendre de ses nouvelles, alors que
les juges d’instruction Van Ruymbeke et Le Loire s’intéressent aux agissements
de Daniel Vial, plus personne ne semble se souvenir des activités du lobbyiste.
Bachelot, Kouchner, Lang, Douste-Blazy, Barzach, personne ne semble se souvenir
des universités d’été de Lourmarin, ni des mises en relation orchestrées dans
le somptueux appartement de la place de l’Odéon. Personne ne se souvient d’une
quelconque mise en relations, le carnet d’adresses de Daniel Vial étant son plus
grand trésor. Non personne.
Il est toutefois
curieux que Daniel Vial soit lâché par ses amis d’autrefois. Cette fin
précipitée, il la doit probablement à Chris Viehbacher, le PDG de Sanofi, qui
ne souhaitait pas s’embarrasser d’un personnage tout compte fait assez
encombrant. Dans deux très bons articles parus dans le
Monde et Le
Nouvel Obs, chacun pourra découvrir la personnalité
intrigante de celui qui faisait la pluie et le beau temps des relations entre
pouvoir politique et industrie pharmaceutique. A n’en pas douter, les uns
avaient et ont toujours besoin des autres, tant pour faciliter la mise sur le
marché de nouveaux médicaments, tant pour financer des activités politiques.
Car il y a beaucoup d’argent. Des centaines de millions d’euros à gérer selon
certains témoins qui préfèrent l’anonymat. Et autant de rétributions pour les
bons samaritains politiques ou les journalistes conciliants avec les
arrangements entre amis. D’ailleurs, Daniel Vial n’était-il pas rétribué 1
million d’euros par an chez Sanofi ?
Alors on comprend
mieux que le téléphone de Daniel Vial ne réponde plus. Malgré la perquisition
de son domicile à l’occasion de l’enquête dans l’affaire Cahuzac, Daniel Vial
se serait réfugié sur ses terres du Lubéron où il cultive son jardin. Ses amis
d’autrefois qui le trouvaient d’une extrême courtoisie et gentillesse, ne se
souviennent plus tellement à quelle occasion ils l’avaient rencontré.
Avaient-ils apporté des dossiers au profit de laboratoires ? Non, personne
n’est en mesure de le confirmer. Avait-il joué de ses relations pour appuyer
telle autorisation de mise sur le marché ? Rien n’est moins sûr. Alors
dans ce cas, pourquoi Daniel Vial était-il si recherché pour ses
« relations publiques » qui n’étaient en fait que des
« relations secrètes » ? La question porte toujours sur
l’absence de transparence du lobbying en France. Et pas certain que l’on puisse
véritablement connaître un jour la vérité tant les enjeux de pouvoir et les
enjeux économiques sont omniprésents. Et ce n’est pas le PDG de Sanofi qui le
démentira.
Pour en savoir plus
http://tempsreel.nouvelobs.com/l-enquete-de-l-obs/20130510.OBS8616/dimanche-17h-daniel-vial-l-ami-de-cahuzac-et-des-labos-sort-de-l-ombre.html
Réactions publiées sur Agora Vox et supprimées par le média citoyen
Lisa SION 2 : Conclusion, dans la vie point n'est besoin d'un métier, mais juste d'un carnet d'adresse. Un réseau bien palmé, une langue plutôt fourchue et une mémoire
azimutée, avec des chaussures en cuir çà permet de bloquer toutes celles
qui s'ouvrent. De savoir qu'un lobbyiste près l'industrie pharmaceutique cultive si ça
se trouve des herbes médicinales dans le Lubéron...c'est la meilleure de
l'été !
Lexatif :
« Lobbyiste », ce ne serait pas le nom politiquement correct pour «
corrupteur » ? Les corrompus se reconnaîtront mais on aimerait quand
même bien les connaître aussi. A la lecture de cet article et des
article cités en lien dont l'excellent article du Nouvel Observateur sur
le personnage et sur ses impressionnantes relations, on peut commencer à
se faire une idée très précise des personnalités et des entreprises
impliquées dans ces trafics d'influence à grande échelle et qui leur
semblent tout à fait naturelles, ce qui n'est pas le moins hallucinant.
On retrouve quasiment tous les ex ministre de la Santé du PS à l'UMP (eh
oui, les oligarques français se tiennent les coudes) et tous les
laboratoires pharmaceutiques à l'exception notable de Servier (j'arrive
toujours pas à y croire ; ça doit être une erreur) ; au premier rang on
trouve Sanofi, et son président Chris Viehbacher qui rémunérait Vial 1
million d'euros par an, et que le lobbyiste a conseillé notamment en
Asie (sans rapport avec la corruption de centaines de médecins en Chine ?), GSK
(qui aurait aussi corrompu des médecins chinois à coup de centaines de
millions), Pfizer... la crème des labos donc, qui jurent, croix de bois
croix de fer que ça n'existe pas en France ; on trouve aussi Jérôme
Cahuzac dit « mon oeil dans tes yeux » (là je suis moins surpris mais
j'ai vaguement la nausée) et un florilège de personnalités
(journalistes, labos, députés comme le PS Gérard Bapt frappé d'amnésie
sur le financement de ses agapes en forme de réflexion parlementaire par
GSK (tient tient). Et tout ce beau monde, invité par le lobbyiste,
convolait dans le somptueux domaine de Lourmarin pour réfléchir à
l'avenir de la Santé entre 2 petits fours et un plongeon dans la
piscine. Les techniciens Sol / Mur / Plafond du Front de Gauche se
proposent de venir faire le ménage gratuitement : on recrute, amenez
votre balais aux prochaines élections.
Viensky : Je n'ai jamais corrompu un ministre de la santé, jamais ! Ces
accusations sont délirantes ; mes accusateurs devront prouver que leurs
allégations sont fondées. Ils auront du mal. Je démens catégoriquement
les allégations de compromission de responsables politiques ; je ne fais
pas de corruption, je n'en ai jamais fait, ni maintenant, ni avant. Je
nie en bloc et en détail ; ça ne peut pas être moi puisque je n'ai
jamais eu de corrupteur attitré, ni de journaliste complaisant ! » :
quand vous l'entendrez « les yeux dans les yeux » de la part de very big
pharma, je pense que ça vous rappellera quelque chose !
Babette272 : Qui trouve-t-on dans l'entourage intime de ce lobbyiste Daniel Vial ?
Jérôme Cahuzac, un homme profondément honnête, franc et pas menteur pour
2 sous, enfin, pour 300 000 sous ; on trouve aussi Chris Viehbacher,
Directeur de Sanofi Monde, un homme profondément attaché à la
responsabilité sociale de l'entreprise, à l'éthique (à nique au mac) et
si généreux auprès de son ami Vial rétribué 1 millions d'euros par an,
pour entretenir son potager de Lourmarin. Sanofi, le labo aux 50
milliards de bénéfices et qui licencie 500 chercheurs à Toulouse ;
Sanofi la star de la bourse et le chouchou des médias (au moins de ceux
invités à Lourmarin) ; Sanofi, qui n'a corrompu personne en Chine, ou
alors à l'insu de son plein gré ; Sanofi, qui avait le même conseiller
en communication de crise que Cahuzac et DSK : Stéphane Fouks. Allez, je
ne vais pas citer plus de noms qu'il n'y en a dans cet article ou dans
celui du Nouvel Obs, je risquerais de me faire censurer : vous n'avez
qu'à les lire.
HashBee : Ne soyons pas hypocrites, le lobbying est consubstantiel à la
démocratie, il a son utilité quand il porte le point de vue de telle ou
telle industrie ou groupe d'intérêt, à la connaissance des décideurs
politiques et institutionnels, parmi l'ensemble des autres points de vue
et intérêts contradictoires. La politique, c'est faire des choix et au
moins ils sont éclairés, ceux qui croient que cela peut fonctionner
différemment sont naïfs et pas très futés. Le lobbying, c'est cela,
donner des informations, défendre des dossiers argumentés et souvent
complexes ; et ça ne doit être que cela. Mais en ce qui concerne ce
Daniel Vial, ce n'est plus du lobbying, c'est carrément un réseau de
collusion et de compromission que l'on peut soupçonner, et il y a
beaucoup (beaucoup trop !) de noms cités, de personnalités impliquées,
ayant profité de largesses incroyables : des ministres de la santé, des
présidents de sociétés, des politiques, des journalistes : tout le gotha
mondain de la Santé. On ne peut plus parler de lobbying, c'est de l'influence pour ne pas dire
plus, en employant le terme approprié et ignominieux que l'on peut
suspecter à raison. Comment ces responsables politiques et
institutionnels pourraient-ils croire que ces prestations luxueuses,
n'attendent aucune contrepartie ? Comment ces responsables n'ont-ils pas
conscience que l'on va les soupçonner à juste titre, que toutes leurs
décisions sont entachées d'un doute quand ils se livrent à de telles
pratiques ? Et que dire du laboratoire pharmaceutique cité dans cet
article, Sanofi, et de son PDG, Chris Viehbacher ? On entendait parler
en France jusqu'à présent, que d'un seul laboratoire, Servier, avec
plusieurs mises en examen de médecins, pour prise illégale d'intérêt ;
il semble que Sanofi opère à une tout autre échelle : directement auprès
des responsables politiques et de journalistes bien connus : c'est
condamnable et gravissime pour notre démocratie. Que pèsent les mesures
de moralisation de la vie
politique de François Hollande devant un tel fonctionnement que ces gens
trouvent normal ? Une très sérieuse remise à plat des pratiques
éthiques s'impose : si ce ne sont pas les démocrates qui la mettent en
place d'urgence, avec les sanctions correspondantes des personnalités
impliquées, ce seront les extrémistes qui l'imposeront ; ne pas le voir
est une faute politique et morale dont il faudra répondre devant la
nation.
Henrymarx : Pourtant, monsieur Vial était très disponible, notamment pour répondre
aux différents interlocuteurs de Sanofi, selon le journaliste Laurent
Léger ;
De plus, Lourmarin, il y a pire pour se réunir...club de golf immense et
son domaine paisible à 20 minutes, villas somptueuses, petite ville
branchée de Provence... On ne doit pas s'ennuyer dans ce milieu
Laurencecharles : C'est marrant cette manie dont les politiques on d'utiliser certaines
personnes et de ne plus les reconnaitre par la suite. Y'a t_il un
médicament contre l'amnésie choisie ? Peut-être que Sanofi devrait faire
des recherche sur la perte volontaire de mémoire. Ou bien est-ce un
trop plein de champagne ?
Cedric Citharel : Les lobbyistes ne vivent pas dans le même monde que nous, ils s'y
replongent juste de temps en temps. Et dans de tels moments, il est bon
de savoir les repérer.
"Son métier de lobbyiste l'amenait régulièrement à manipuler de
nombreuses personnes, toutes avides de gloire, d'argent ou de
reconnaissance. Il avait l'habitude de côtoyer ces hommes ou ces femmes
de réseaux dont la seule fonction était de mettre en relations les
industriels avec les décideurs politiques, les généraux avec les
marchands de canons, les maires avec les marchands de béton. Tous ces
intermédiaires, incontournables, avaient un point commun, ils
disposaient d'un emploi qui leur permettait de briller en société.
Accessoirement, ils n'avaient pas à se coucher tôt pour être en forme le
lendemain matin, ni à quitter un déjeuner parce que leur patron voulait
les voir immédiatement dans son bureau. Ils étaient libres de
rencontrer n'importe qui, n'importe quand ; en ne travaillant pas, ils
travaillaient tout le temps." Extrait de On les croise parfois de Cedric Citharel.